Éolien offshore : quel avenir ?

À un moment où certaines énergies renouvelables arrivent à maturité, l’actualité nous interpelle sur la place de l’éolien offshore dans la transition énergétique. Quel avenir a-t-il ? Valeur Vertes ouvre le débat avec les acteurs les plus impliqués.

Participants à l’e-forum du 18 mai 2018
Vincent GUÉNARD, Ingénieur Éolien en Mer, énergies Marines, ADEME
Pierre PEYSSON, Chef de projets, WPD-Offshore
François PICCIONE, Coordinateur du Réseau océans, mers et littoraux, France Nature Environnement (FNE)
Geoffroy MARX, Responsable du Projet énergies renouvelables et biodiversité, Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO)
Yann-Hervé DE ROECK, Directeur général, France Énergies Marines (FEM)
Claudio RUMOLINO, Ingénieur énergéticien, chargé de mission, Valorem

Pour lire les échanges complets : //valeursvertes.com/forum/topic/eolien-offshore-quel-avenir/

 

UNE COMPOSANTE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Il a de l’avenir
Vincent Guénard

L’éolien offshore a de l’avenir dans la plupart des pays développés (Europe, Amérique du Nord, Asie). C’est un moyen de production d’électricité durable qui permet de favoriser l’emploi, de maitriser les impacts environnementaux et de créer de la valeur.

Diminuer les gaz à effet de serre
Geoffroy Marx

L’éolien contribue à l’indépendance énergétique, à la diminution des émissions de GES et à lutter efficacement contre le changement climatique. Il s’agit donc d’un des piliers de la transition énergétique. L’ADEME envisage 10 GW d’éolien posé et 20 GW de flottant à l’horizon 2050, tandis que négaWatt table respectivement sur 11 et 17 GW.

Nous soutenons leur développement
François Piccione

Notre Fédération soutient le développement de l’éolien offshore dans la mesure où celui-ci est réalisé dans des conditions satisfaisantes pour l’environnement et la biodiversité et en mettant en oeuvre une véritable concertation équilibrée avec tous les acteurs du territoire le plus en amont possible.

 

CETTE SOLUTION EST-ELLE MATURE ?

4149 éoliennes en mer raccordées en Europe
Pierre Peysson

Le constat est clair. D’un côté, les coûts marginaux de production des énergies conventionnelles vont augmenter pour plusieurs raisons : le prix de la matière première et surtout le prix du CO2. De l’autre côté, on constate l’autofinancement d’ENR sur le marché SPOT qui ne demande aucun complément de rémunération. Les pays carbonés (Chine, Inde, etc.) ne sont pas fous, ils veulent de l’électricité non polluante et compétitive. La transition énergétique ils s’y engagent très fort et très vite ! Les chiffres des capacités installées ou en développement ENR sont pharamineux en Chine. Et leur dépendance au charbon baisse au fur et à mesure.
Fin 2017, 4 149 éoliennes en mer étaient raccordées en Europe. Le retour d’expérience de l’éolien offshore peut s’appuyer sur les premières éoliennes en mer installées en 1991 au Danemark.
Les tarifs de l’offshore ont drastiquement baissés. Beaucoup plus de vent en mer et des coûts de capitaux en fortes chutes ont fait que les derniers projets, remportés dans le cadre des appels d’offres lancés par les gouvernements étrangers, ont proposé des prix de l’ordre de 50-60 €/MWh ! Avec ce niveau de compétitivité et l’importante production d’électricité sur un même site (500 MW soit la consommation annuelle de 800 000 habitants), de très nombreux pays considèrent que l’éolien offshore représente une solution très utile dans leur mix électrique. Dernier exemple en date, Taiwan, avec plus de 3 GW d’appels d’offres (WPD étant le principal gagnant de ces appels d’offres avec ~1,1 GW remportés).

L’éolien flottant : une nouvelle solution
Yann-Hervé de Roeck

L’installation en mer permet de concevoir des éoliennes de beaucoup plus grande envergure en s’affranchissant des limites, dues au transport, sur la taille des pales. Les plus grosses turbines terrestres sont de 4 MW, et l’on conçoit des turbines marines de 12 GW. Depuis 1991, des éoliennes sont déployées en mer au nord, conduisant à ce même chiffre pour 15 GW de puissance installée et pour une production accrue. Et ce au Danemark, en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Belgique. En France, la construction de 3 GW est prévue sur 6 sites en Manche et en Atlantique, mais n’a pas encore débutée. Le potentiel est pourtant là. En ressource éolienne brute, la France métropolitaine dispose du deuxième potentiel en Europe. Plus rapidement qu’ailleurs, l’éolien flottant a été décelé comme la solution aux problèmes de l’hexagone, car permettant d’installer des éoliennes plus au large. Et là, la France n’est pas en retard ! 4 fermes pilotes de 24 MW en Méditerranée et en Atlantique sont en développement et devraient être opérationnelles de manière concomitante avec les 6 champs d’éoliennes posées, précédemment évoqués. Seul le Royaume-Uni dispose d’une avance avec une ferme pilote de 5 turbines de 6 MW.

 

LA MAUVAISE RÉPUTATION

Un secteur qui paie pour les autres
Claudio Rumolino

Concernant les précieuses exigences environnementales qui, enfin, ont droit de cité dans nos projets énergétiques, il semble important de rappeler que jamais la connaissance scientifique n’avait progressé autant en matière d’études environnementales (chiroptères, avifaune, biotopes…) depuis que les projets éoliens les ont pris en charge à très grande échelle.
Nous rêvons de projets exigeant autant de rigueur dans le respect de la nature. C’est un peu comme si l’éolien devait expier les fautes et carences d’autres filières énergétiques, alors qu’il s’agit de celle qui a l’impact le moins important sur l’environnement.
Les préoccupations des amis de la nature concernant les impacts de l’éolien offshore sur la biodiversité sont légitimes. Constatons simplement et pour commencer que ces impacts seront infiniment moindres que ceux d’une marée noire provoquée par le naufrage d’un cargo tanker ravitaillant en fioul lourd les centrales électriques. Ou ceux que pourraient provoquer le naufrage d’un cargo transportant le Yellow coke livré à Sète pour l’usine d’enrichissement en uranium d’Areva à Narbonne.

Chaque projet doit respecter la biodiversité
Geoffroy Marx

Les « amis de la nature » reconnaissent que les EnR, développées dans le respect d’une séquence ERC exemplaire, présentent certainement moins de risques et d’impacts que le mix énergétique actuel.
Pour autant, la réglementation impose à chaque projet une non perte nette de biodiversité.

Une planification pour les projets passés ?
Vincent Guénard

Après on peut se demander s’il y a eu planification au temps de développement des activités maritimes existantes ? L’éolien en mer, dernier arrivant, ne paierait-il pas l’absence de débats des années passées ?

Mieux connaître l’environnement marin
François Piccione

Je partage cette impression qu’en France, nous avons une approche très stricte de l’impact environnemental des EMR en oubliant parfois que les activités dites traditionnelles (transport maritime, pêche…) ne font pas l’objet d’une exigence similaire et ne sont pas soumises à l’application de la séquence Eviter, Réduire, Compenser (dont l’application est extrêmement délicate en mer). Par ailleurs, le développement des EMR a permis un bond dans la connaissance de l’environnement marin qui reste cependant encore bien lacunaire.
En ce sens, les mesures de suivi qui vont être mises en place par les pétitionnaires seront extrêmement enrichissantes.

 

DES OPPOSITIONS BIEN ANCRÉES

Baisse très rapide des coûts
Claudio Rumolino

La baisse très rapide des coûts pour les installations éoliennes offshore a surpris tout le monde. En Allemagne le dernier appel d’offres a vu apparaître des projets proposant un prix de vente de l’ordre de 50 €/MWh, ne nécessitant plus aucune subvention à la production. Alors qu’il y a quelques années seulement (2012/2014) ces mêmes projets ne sortaient pas à moins de 150 ou 200 €/MWh. Ce sont d’ailleurs ces projets qui se mettent en service actuellement.
C’est cette situation qui a provoqué la crise actuelle entre les lauréats des appels d’offres français de 2011/2012 et ce gouvernement. Celui-ci trouvant que les prix lauréats d’alors sont trop chers actuellement.
Si notre technocratie avait mis autant de volonté, de zèle et de moyens pour lancer nos projets éoliens offshore qu’elle a mis dans les années 70 à 90 pour construire 58 réacteurs nucléaires en 22 ans, nous devrions être aujourd’hui l’une des premières puissances éoliennes mondiales. Je rappelle juste que la loi Grenelle de 2008 prévoyait 6 GW d’éolien offshore en 2020. Ce sera zéro. Tout comme les 19 GW terrestres prévus ne seront pas atteints puisque les prévisions annoncent que nous manquera de 2 GW au moins à l’arrivée.

Blocage politique et culturel
François Piccione

Nous sommes confrontés aujourd’hui à trois problèmes majeurs en matière de développement de l’éolien en mer en France : l’absence de planification de l’espace maritime, les lacunes en matière de connaissance des écosystèmes marins et l’absence d’une structure nationale sur les énergies marines renouvelables.
Les blocages se font à la fois sur le plan politique et sur le plan culturel. Notamment, les oppositions de riverains sur ce dernier point qui sont plus réticents que ceux d’autres pays européens comme le Danemark ou ’Allemagne. Beaucoup d’idées reçues ou d’informations erronées circulent sur cette énergie. Il y a aujourd’hui un manque d’information des populations à ce sujet. C’est pour cela qu’il est capital d’aller à leur rencontre et de débattre avec elles.

 

L’EXIGENCE DE PLANIFIER

Les premiers appels d’offres sans les enjeux de la biodiversité
Geoffroy Marx

Il faut bien avouer que la planification des premiers appels d’offres s’est faite sans que la question des enjeux de biodiversité soit réellement posée. Cette question est systématiquement repoussée à la phase de développement des projets comme si des solutions miracles allaient pouvoir réduire, ou compenser, les impacts qui n’ont pas été au préalable évités. Malheureusement ces solutions miracles n’existent pas toujours en mer.

Resserer les délais
Pierre Peysson

Il faut a minima planifier le développement des projets sur les cinq prochaines années ! Tous les pays procèdent de la sorte !
• ils fixent un objectif de capacité installée,
• ils définissent de manière concomitante les zones de développement retenues,
• ils conduisent un certain nombre d’études tech/enviro préalable à l’attribution des marchés,
• ils lancent entre 1 et 2 GW/an en appels d’offres. Résultats :
• les projets sont acceptés car planifiés en amont.
• les timing entre l’attribution des marchés et les dates d’installations sont resserrés (4 ans contre près de 10 ans en France) car des études ont été entreprises en amont.
➠ les prix sont bas
Allemagne, Pays Bas, UK, Belgique, etc. Tous ces pays ont planifié leur espace maritime, et tous ont des éoliennes en mer et en installent tous les jours ! Pour la France ça ne sera pas avant 2020/21…

A l’État de prendre ses responsabilités
Vincent Guénard

L’État doit prendre ses responsabilités sur la planification. Même si cela a été fait par le passé, le souci est que les appels d’offres ont porté sur des zones déjà prospectées par les développeurs ce qui a biaisé l’exercice et a conduit, pour certains projets, à une situation de total blocage.
Les objectifs sont quand même basés sur un exercice de planification objectivant les usages (SIG) et permettant de débattre des positions de chacun au travers des réunions de concertation, ce qui devrait aboutir aux objectifs PPE 2028. ■




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