Sedif : solidarité pour les plus démunis

Premier service d’eau potable en France avec 4,6 millions de consommateurs au quotidien, le SEDIF, créé en 1923, est dirigé par des élus représentant les 151 communes d’Île-de-France sur 7 départements.
Dans le contexte du changement climatique, très important dans le domaine de l’eau, nous avons demandé à Philippe Knusmann, directeur général des Services, d’évoquer le dispositif Eau Solidaire.

Valeurs Vertes : Pourquoi ce dispositif ?
Philippe Knusmann : Le SEDIF a été précurseur en matière de solidarité locale avec un programme d’aides. En 2008, il a intégré dans le cahier des charges du futur mode de gestion ce qui deviendra en 2011 les bases du programme « Eau solidaire ». En 2011, Christian Cambon, notre vice-président fait adopter un texte permettant d’allouer 0,5% des recettes du service eau potable au Fonds Solidarité Logement. En 2011, les premiers chèques d’accompagnement personnalisé sont mis en place. Le dispositif sera dématérialisé avec les CCAS dès 2014 pour en optimiser l’usage.

En 2015, il apportera une aide aux non-abonnés (87% des consommateurs du SEDIF) pour- suivie en 2016 auprès des copropriétés privées en difficulté. Nous desservons un territoire où le taux de pauvreté est très hétérogène, il oscille entre 5% et 45%, avec pour certaines communes plus de 60% d’habitat social et des habitats privés en grande difficulté. Le SEDIF agit pour améliorer le taux de distribution des aides, pas encore à la hauteur du budget alloué (71% des fonds en 2018).

V.V.: Comment concerner l’habitat collectif ?
P. K. : Nous sommes confrontés, par la dimension de notre territoire et l’importance de son habitat collectif, à des limites que ne rencontrent pas les collectivités plus rurales ou un simple abonné. Les services d’aides

sociales accordent rarement la priorité au poste de dépense eau qui paraît bien mineur dans les dettes d’un ménage en difficulté. L’eau est toujours fournie car la Loi Brottes en interdit les coupures.

La difficulté dans la mise en place d’un chèque eau, à l’instar du chèque énergie, ou dans l’expérimentation d’autres solutions, concerne l’identification des bénéficiaires. Dans les habitats collectifs, les syndics et les bailleurs ne sont pas toujours associés. Le service d’eau facture pour des tiers des taxes et des redevances assainissement rendant la répartition de cette aide complexe.

Il est difficile, dans un habitat collectif, d’établir des tarifs selon la composition et le revenu des foyers, mais aussi d’identifier les bénéficiaires qui ne sont pas for- cément facturés par le SEDIF. Les solutions pour les villes à forte concentration urbaine sont peu nombreuses et le recours aux organismes en charge de l’aide sociale a ses limites. La tarification différenciée sur l’habitat et un abonné collectif ne permet d’allouer une aide personnalisée.

Nous avons déployé deux solutions dans le cadre de notre expérimentation. L’Aide Eau Solidaire (AES), destinée aux abonnés ou non abonnés, permet de soutenir les familles à payer leurs charges et les aider à rester dans leur logement.
La seconde solution concerne le soutien des copropriétés en difficulté (20% des copropriétés privées sur le territoire du SEDIF, dont 40% en Seine Saint-Denis). Nous surveillons les consommations et les fuites d’eau de 340 copropriétés potentiellement en difficultés.

V.V.:QuelbilanduSEDIF pour Solidarité Eau ?
P. K. : La loi Oudin-Santini, adoptée en 2005 à l’unanimité par le Parlement, est une réussite. A l’initiative de ce dispositif dès 1986, le SEDIF affecte à des actions de solidarité internationale 1 centime d’euro par mètre cube d’eau vendu. En 2017, 2,4 millions d’euros ont été attribués à des ONG de solidarité internationale en droit français.
Depuis 1986, le SEDIF aura distribué 38,7 millions d’euros pour des opérations qui auront bénéficié à 5 millions de personnes dans plus de 20 pays en développement, essentiellement sur le continent africain, en Haïti et à Madagascar, soit le même nombre d’habitants desservis en eau potable que sur le territoire du SEDIF.
Tout repose sur la volonté de collectivités locales qui établissent un partenariat pour développer un service public d’eau potable en maîtrisant la gestion de proximité.
Nous considérons comme un impératif moral d’améliorer l’accès à l’eau potable dans les pays émergents. ■




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