Deux communiqués de presse d’associations aux avis totalement divergents.
Communiqué de presse de la FNAB
Scandale des pesticides, les agriculteurs qui veulent renoncer à leur usage doivent être soutenus !
Mercredi 3 février 2016 – Hier soir, France 2 a diffusé une enquête édifiante du magazine Cash Investigation montrant à nouveau les effets désastreux des pesticides sur la santé publique, particulièrement celle des enfants : augmentation des cancers infantiles, anomalies de naissance, troubles hormonaux, autisme…
La France est le 1er pays utilisateur de pesticides en Europe.
Or, dans un contexte de crise agricole, un nombre croissant d’exploitants souhaite abandonner l’usage des pesticides et des engrais chimiques pour passer notamment à l’agriculture biologique, qui leur offre des perspectives économiques.
Mais les aides aux changements de pratiques, et en particulier à la conversion à l’agriculture biologique, sont aujourd’hui insuffisantes pour accompagner tous ceux qui veulent franchir le pas. Les sommes allouées sur la période 2015-2020 pour la conversion par l’Etat et les Régions seront dès cette année insuffisantes. Ainsi certaines enveloppes vont être consommées en 2 ans alors qu’elles étaient prévues pour 5 ans. Par ailleurs, les aides dites de « maintien », qui rémunèrent le service environnemental rendu par les agriculteurs bio pour la dépollution des sols, de l’air et de l’eau, sont dans certains cas menacées de suppression !
La Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique (FNAB) et Greenpeace appellent les pouvoirs publics à soutenir prioritairement les solutions alternatives aux pesticides de synthèse et les productrices et les producteurs toujours plus nombreux qui veulent passer à l’agriculture bio. Ils doivent accompagner et amplifier cette dynamique positive pour l’agriculture, la santé publique, l’environnement, qui répond à une très forte attente des citoyens et des consommateurs, sur un marché du bio en croissance de 10% par an.
Une dépendance mortifère aux pesticides
1ère consommatrice de pesticides en Europe, l’agriculture française entretient un rapport de dépendance mortifère aux intrants chimiques de synthèse. Comme le montre le reportage de Cash Investigation, les conséquences sont désastreuses sur la santé publique, particulièrement celle des enfants : multiplication des cancers infantiles, des anomalies de naissance, des troubles hormonaux ou encore l’explosion de l’autisme. Les coûts de traitement de ces pollutions ont d’ores et déjà un coût exorbitant pour la collectivité : 300 à 600 millions d’euros par an pour la seule dépollution des eaux par les engrais azotés1!
L’achat de pesticides et d’engrais chimiques pèse également lourd sur la situation économique des exploitations agricoles, placées dans une spirale de dépendance face aux grands groupes qui les produisent. Comme le montre l’organisme des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui tire la sonnette d’alarme, l’utilisation massive d’intrants chimiques appauvrit les sols ce qui incite à recourir à des doses toujours plus importantes2.
Un très mauvais signal donné par le Sénat en ce début d’année sous la pression de l’agro-industrie
L’agro-industrie, à l’instar du regroupement des céréaliers (ORAMA), fait pression pour une libéralisation accrue de l’usage des pesticides et la remise en cause du plan Ecophyto 2, sous prétexte de mettre fin aux « distorsions de concurrence » induites par l’interdiction de produits sur le sol français3.
Succombant à ces sirènes, le 22 janvier dernier, le Sénat a retiré du projet de loi sur la biodiversité l’interdiction des néonicotinoïdes, une classe de pesticides dont la dangerosité a été dénoncée à de multiples reprises et notamment par l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments.
La bio : une agriculture en pleine croissance et sans pesticides
Les 29 000 exploitations bio françaises font chaque jour la preuve qu’une agriculture sans pesticides et sans engrais chimiques est non seulement possible, mais qu’elle est porteuse de dynamisme économique et de création d’emplois. Le marché des produits bio augmente en France de 10% par an (quels autres secteurs peuvent afficher une telle progression ?) et face à la crise structurelle de l’agriculture dite classique un nombre croissant d’exploitants change de modèle et passe au bio pour préserver leur activité en retrouvant de l’autonomie. Les surfaces agricoles certifiées bio ont augmenté de 100% entre 2007 et 2014, année qui a connu une envolée des entrées en 1ère année de conversion bio (+36%). Sur fond de crise à répétition des prix agricoles, cette dynamique se poursuit et se renforce.
Un soutien insuffisant pour accompagner la transition vers une autre agriculture
Pour sortir de la dépendance aux engrais et aux pesticides chimiques, tous les acteurs doivent se mobiliser. La grande distribution, par exemple, constitue un acteur à part entière pour inciter au changement. Les pouvoirs publics ont également les moyens d’agir.
Communiqué de presse de l’UIPP
L’UIPP APPORTE DES ÉCLAIRCISSEMENTS SUR UNE ÉMISSION ORIENTÉE
Dans son émission du 2 février, Cash Investigation instruit le procès à charge de l’Industrie des produits phytopharmaceutiques.
Montrer que les produits phyto présentent des risques est aisé, puisque cela peut être le cas si les mesures de précaution ne sont pas respectées.
Reconnaître en revanche que la situation n’a jamais été aussi maîtrisée en France, tant sur l’usage de nos produits que sur la protection de la santé et de l’environnement, est certes moins sensationnel.
Pour cette raison, parmi les nombreux éléments omis par l’équipe de Cash Investigation, l’UIPP tient à insister sur les points suivants :
Les études d’impact des phytos sur la santé contredisent les conclusions de l’émission
Cash Investigation a omis de prendre en compte les deux plus grandes études publiques au monde sur pesticides et santé : l’HAS américaine sur 50 000 agriculteurs, et l’étude française AGRICAN sur 180 000 personnes. Ces études confirment que les agriculteurs vivent plus longtemps que la population générale. Comment expliquer l’existence d’un danger pour chacun de nous, alors que nous sommes jusqu’à 10 000 fois moins exposés que les agriculteurs, et qu’ils sont globalement en meilleure santé que la moyenne de la population ?
Cash Investigation a omis de prendre en compte les données de l’Institut National du Cancer qui, au sujet des enfants, indiquait hier encore « globalement, le nombre de nouveaux cas est stable. Et, l’environnement, pointé du doigt pour certains cancers chez l’adulte, n’est pour l’heure pas incriminé dans les cancers de l’enfant. Les études menées pour comparer la fréquence des cancers chez l’enfant avec l’exposition à des facteurs de risques en période prénatale ou pendant l’enfance (pesticides, polluants liés au trafic, tabagisme passif, etc.) n’ont pas donné de résultat probant (1) ». Les mêmes données de l’INCA montrent que l’incidence des cancers chez les enfants est identique dans tous les départements français. Il n’y a donc pas plus de cancers chez les enfants en Gironde que dans les autres départements, contrairement à ce qu’affirme Cash Investigation.
Cash Investigation a omis d’indiquer que les ventes d’insecticides ont été divisées par 6 depuis 1990. L’autisme est une maladie complexe dont les causes sont mal connues. Mais comment affirmer que certains insecticides seraient responsables de son augmentation, alors qu’ils sont de moins en moins utilisés ?
La science et les décisions des autorités s’imposent aux entreprises, et non l’inverse
Cash Investigation a omis d’expliquer que pour obtenir une autorisation de mise sur le marché, le processus d’homologation impose à nos entreprises de réaliser 300 études pendant près de 10 ans qui couvrent tous les effets sur la santé et l’environnement. Et que ce sont les autorités sanitaires européennes et françaises, ainsi que le Ministère de l’Agriculture, qui décident si un produit peut être présent sur le marché en garantissant la sécurité de l’utilisateur jusqu’au consommateur.
Cash Investigation a omis d’indiquer que toute étude scientifique nouvelle est prise en compte lors des réévaluations par les autorités sanitaires et les comités d’experts indépendants. Si ces études ne conduisent pas au retrait des produits concernés par les autorités, c’est qu’ils ont jugés qu’elles ne remettaient pas en cause la globalité des données disponibles et les évaluations précédentes.
L’exposition aux produits phytos n’a jamais été aussi faible, et ce grâce aux démarches de progrès de l’ensemble de la filière et des agriculteurs
Cash Investigation a omis d’indiquer les avancées de la recherche, de l’innovation, et les progrès réalisés par l’ensemble des acteurs de la filière : l’utilisation des produits a diminué de 45 % depuis la fin des années 1990, la toxicité a été divisée par 8, les trois quarts des produits présents à cette époque ne sont plus présents sur le marché. Dans un tel contexte, comment expliquer que les produits phyto seraient responsables d’une augmentation des maladies chez les plus jeunes ?
Si la santé des citoyens et de la planète est un sujet prioritaire pour tous, cette émission plutôt que d’éclairer le consommateur, crée un climat anxiogène. En stigmatisant les produits phytos, Cash Investigation fait aussi l’impasse sur leur utilité pour la filière agricole et in fine sur la qualité et la diversité de notre alimentation qui n’a jamais été aussi sûre.