Les fichiers médicaux informatisés se multiplient et certains citoyens s’inquiètent d’une possible diffusion de leurs données personnelles. Confrontés au volume croissant des données et à l’évolution rapide du corpus législatif, les médecins connaissent actuellement une période de rupture : l’informatisation des données médicales que le cerveau humain ne peut plus traiter.
Les changements d’échelle qu’ont permis la génomie, l’analyse d’échantillons à l’échelle unicellulaire, ont fait exploser de façon exponentielle la quantité d’informations individuelles des patients. La médecine a de plus en plus recours à des outils comme la bioinformatique, qui reclassent les maladies et les traitements associés. « Nous devons être capables de réagir efficacement », explique Jean-Yves Blay, oncologue au centre Léon Bérard de Lyon. L’informatisation des données, qui pourrait même permettre à ses patients d’avoir accès à leur dossier sur leur smartphone, en est la clef. Seulement, sur les 300 000 patients du centre Léon Bérard, comment s’assurer du respect de la propriété des données ? Leur diffusion sur internet pourrait nuire aux intérêts des patients, notamment si elles étaient communiquées aux banques et aux assurances, et favoriseraient aussi les publicités ciblées. « Nous avons besoin d’un contrôle de cette transparence », renchérit Jean-Yves Blay.
En l’absence de contrôle, cette intrusion dans la vie privée provoque une grande méfiance envers le développement du stockage numérique des données. Une même incertitude entoure l’installation des compteurs Linky dans les foyers : comment prévoir quelle utilisation sera faite des informations sur les habitudes de consommation énergétique des usagers ? Sur le nombre d’appareils d’un foyer et le nombre d’heures passées en fonctionnement par journée ?
Ces outils sont porteurs de promesses pour la médecine de demain et pour la régulation de notre consommation d’électricité. Leur brusque intrusion dans le quotidien laisse planer des doutes sur leurs conditions d’emploi : les détails de collecte des données restent flous, leur maîtrise n’est pas encore clairement encadrée, et la législation a du mal à suivre le rythme. Pour éviter une surveillance non consentie des citoyens, le développement d’outils d’accompagnement de la privatisation des données doit suivre la folle effervescence du numérique. ■