La méthode Breizh COP pour réussir la transition écologique

Le grand chantier Breizh COP s’inspire de la COP21 de Paris, pour réussir la transition écologique dans tous les domaines. Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne et maire de Liffré, nous parle de cette méthode en constante évolution qui associe tous les Bretons. Cet entretien témoigne aujourd’hui de l’existence de solutions utiles et innovantes.

Valeurs Vertes : Envisagez- vous une nouvelle édition de la Breizh COP ?
Loïg Chesnais-Girard : Nous avons validé la Breizh COP à la fin de la dernière année scolaire. Elle pose les grands principes des transitions en Bretagne et définit la ligne du Conseil régional pour mener ces politiques de demain. Elle a permis de créer une dynamique car il ne suffit pas de prendre des décisions politiques pour faire changer les choses. Il faut entrainer tous les acteurs de la société et veiller à ce que ces transitions n’oublient pas les plus fragiles.

V.V. : Quels grands principes peuvent se révéler des vecteurs de rassemblement ?
L. C-G : Il faut que notre économie, notre mode de vie, nos politiques publiques, intègrent des principes au niveau des industries, de l’agriculture, du tourisme, des constructions, de la mobilité qui permettent de faire perdurer la Bretagne telle que nous l’aimons.
Il faut agir sur la qualité de l’eau, de l’air, de la terre, du climat. Préserver la bonne santé des hommes et des femmes pour que tous puissent bien vivre en Bretagne, riches ou pauvres.
Proposer une forme de démocratie participative, d’animation des pouvoirs horizontaux, permet de faire prendre conscience que le politique ne peut pas tout. S’il doit exprimer des idées, assumer des choix poli- tiques et préserver la cohésion sociale, il ne doit pas oublier que l’humain est l’un des piliers du développement durable.

V.V. : Comment défini- riez-vous cette méthode d’éco-construction des projets ?
L. C-G : La méthode bretonne, consiste à mélanger lors de grands moments festifs, comme par exemple, le Festival interceltique de Lorient, celui des Vieilles Charrues à Carheix, ou encore le Festival du bout du Monde, tous les acteurs de la société : chefs d’entreprises, ouvriers, salariés, agriculteurs, responsables syndicaux et associatifs. C’est aussi rendre responsables de leur région tous les habitants en les rassemblant autour de débats constructifs.

V.V. : Quelles sont les actions à privilégier ?
L. C-G : Préserver des terres naturelles et, à l’horizon 2040, ne plus consommer de terres agricoles (actuellement 3 000 hectares par an). C’est un sujet complexe car nos citoyens souhaitent acquérir à un prix raisonnable une maison avec jardin. L’enjeu est de préserver la terre pour se nourrir, pour la biodiversité, pour le climat.

Ensuite, réduire nos consommations énergétiques et contribuer au développement d’énergies alternatives pour limiter les émissions de CO2 grâce à des solutions plurielles (vent, soleil, etc), plus complexes à mettre en place, mais nécessaires.

Enfin, nous souhaitons préserver l’équilibre de notre territoire. Si nos métropoles comme Brest, Rennes, Lorient, participent au dynamisme de la Bretagne, nous devons aussi nous préoccuper de nos campagnes, de nos villes moyennes et de nos villages qui ont un rôle à jouer dans l’équilibre de la région.

Nous ne devons pas nous contenter d’une vision macroéconomique en éludant les zones rurales sous prétexte que les métropoles se portent bien.
Le dérèglement climatique avec son lot d’angoisses, permettra peut-être la mise en place de nouveaux mo- des de vie, grâce à la fibre, au télétravail.

V.V. : Quelles villes sont impliquées dans le programme Action Cœur de Ville ?
L. C-G : Fougères, Vitré, Redon, Saint-Malo, Saint- Brieuc, Quimper, Morlaix, Pontivy, Loudéac. Il faut les soutenir dans leurs efforts de restructuration et de recon- quête de leur centre-ville.
La Région a décidé d’implanter des bureaux à Fougères et à Saint-Brieuc, en rachetant l’ancien tribunal de Pontivy, pour y installer ses équipes. Nombre de nos collaborateurs, qui travaillent à Rennes, aimeraient bien prendre leur retraite à Saint-Brieuc. Nous les poussons à franchir le pas en travaillant d’ores et déjà dans les sites décentralisés de la région.

V.V. : Quelles sont les solutions innovantes et décloisonnées ?
L. C-G : Comment inventer la transition sans casser la démocratie ? En Chine, par exemple, la décision d’arrêter une usine est actée même si elle implique le licenciement brutal de 3 000 personnes sans contestation possible. En France, notre corps social est fragilisé par des tensions dans nos territoires. Même si nous aspirons au progrès environnemental, la crainte de la perte d’emploi demeure. Nous pouvons assumer cette transition par la « rupture négociée », qui doit s’inscrire dans le temps et non dans la précipitation.
Nous ne passerons pas d’une économie basée sur le carbone et la consommation de matières premières à une économie circulaire basée sur les énergies renouvelables du jour au lendemain.
Nous sommes heureux d’avoir sauvé l’usine PSA de Rennes, aux côtés des salariés, et dirigeants de PSA. Parmi leurs priorités figurent la réduction de la consommation d’eau et d’énergie, le remplacement des peintures pour éviter les COV (Composés Organiques Volatils.) Cet investissement futur pour soutenir ce grand groupe sera ciblé sur ces priorités. Nous ferons en sorte, entre autres, que les pièces détachées arrivent par train et par bateau plutôt que par camion. Voilà des sujets que les pouvoirs publics peuvent accompagner. Notre réflexion porte sur de nouveaux modèles plus modérés en consommation de matières premières, sans déchirer le tissu social.

V.V. : Comment nourrir tout le monde et donner l’accès à l’alimentation bio ?
L. C-G : L’agro-alimentaire peut être un moteur pour l’avenir. Quoi de mieux qu’une économie distribuée sur les territoires ? Il y a un double enjeu. En premier l’autonomie alimentaire. Notre société est habituée à acheter des produits venant du monde entier pour se nourrir. Dans ce monde instable, aurons-nous encore du soja dans 5 ou10 ans, pour nourrir nos animaux ? Qui nous dit que la Chine ne va pas signer un contrat avec les Amériques (États-Unis, Brésil), pour acheter 100% du soja ? La Bretagne doit pouvoir, pour nourrir ses citoyens, réfléchir à une autonomie alimentaire.

Notre économie actuelle de long terme n’est pas soute- nable. Nous importons en Bretagne du soja brésilien, nourrissons notre bétail, puis gérons leurs déjections sur nos territoires. Il faut passer à une économie circulaire, pas seulement sur chaque parcelle et chaque champ mais sur le Grand Ouest, la France, et l’Europe.

En Normandie, en Région Centre, en Aquitaine, dans les Pays-de-la-Loire, des plaines céréalières pratiquent depuis 50 ans la monoculture, appauvrissant les terres puis les revitalisant à l’aide de produits chimiques. Nous pouvons inventer un modèle circulaire entre les régions céréalières et la Bretagne, pour produire des protéines végétales et nourrir notre cheptel. Cette boucle aliment contre fertilisation naturelle, est intéressante. Elle permettrait une moindre dépendance des pays producteurs et offrirait une solution environnementale satisfaisante.

Nous avons, au cours de notre histoire, pratiquée une agriculture très intense. Elle doit le rester pour nourrir la population, mais doit intégrer dans ses systèmes agricoles, l’ensemble des enjeux du développement durable. L’agriculture participe au maintien de la biodiversité, à la capacité de produire longtemps des protéines animales et végétales. Elle est un levier pour le développement d’énergies renouvelables. La diversité des modèles agricoles représente une richesse. De jeunes agriculteurs pratiquent à nouveau l’élevage de races peu connues (telle la Pie noire, une petite vache qui produit un lait relativement gras pour faire du lait caillé). Ces métiers au cœur du terroir, de l’identité, des savoir-faire particuliers, doivent être valorisés autant que ceux de notre agriculture productive.

V.V. : Avec le Brexit et l’interdiction prochaine d’aller pêcher le cabillaud dans les eaux anglaises, comment la Bretagne imagine-t-elle le futur ?
L. C-G : La position arrêtée par le Président de la République et rappelée par le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Pêche et de l’Agriculture, considère que l’accord sur la pêche est un préalable aux autres accords commerciaux du Brexit.
Je soutiens cette position, j’espère que l’union à 27 la soutiendra aussi. 120 de nos bateaux dépendent des eaux du Royaume-Uni. Nous devons réfléchir à un plan B si cet accord n’était pas tenu. Les pêcheurs ne peuvent pas rester au port en attendant un prochain accord, ou en attendant d’être détruits. Certaines régions européennes commencent aussi à réfléchir aux enjeux des quotas. ■




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