En mars dernier, France Nature Environnement alertait sur l’épuisement de la ressource en eau à Vittel par le géant international Nestlé Waters. Une situation qui dure depuis près de 30 ans et qui commence à se faire fortement ressentir sur les réserves locales en eau, dans le contexte actuel de dérèglement climatique. Face à la polémique qui enfle, au chantage économique de la multinationale et sur fond de conflit d’intérêt, les pouvoirs publics et le département envisagent désormais de déplacer le problème d’une nappe phréatique à une autre. France Nature Environnement et Vosges Nature Environnement dénoncent ce projet absurde et appellent Nestlé Waters à faire stopper au plus vite cette surexploitation.
Des appels au boycott outre-rhin forcent Nestlé Waters à réagir
Nestlé Waters, avec la complicité de l’Etat, surexploite sans vergogne la nappe d’eau souterraine de Vittel, menaçant ainsi l’approvisionnement en eau potable des populations locales. Cette eau est mise en bouteille puis commercialisée en Allemagne, où la polémique prend de l’ampleur. En mai dernier, une émission dédiée a même été diffusée en prime time sur la chaîne de télévision nationale allemande ZDF. L’indignation a fait son chemin dans la presse et sur les réseaux sociaux, si bien que les citoyens allemands, grands consommateurs d’eau minérale, ont lancé des appels au boycott de l’eau de Nestlé Waters.
Construire 30 à 50km de pipelines : la solution scandaleuse envisagée par le département
La solution envisagée pour que Nestlé Waters puisse continuer à puiser à Vittel ? Construire un réseau de 30 à 50km pour que les habitants puisent ailleurs lorsque les ressources de la nappe Vittelloise sont insuffisantes. Parmi les sources d’eau envisagées : une nappe phréatique à 15km de Vittel, et un cours d’eau à la qualité qui laisse à désirer…
Pour Jean-François Fleck, président de Vosges Nature Environnement, « on marche sur la tête : plutôt qu’une diminution des prélèvements accordés à la multinationale, le département et les pouvoirs publics envisagent de puiser ailleurs pour approvisionner les populations… comment peut-on envisager de construire 30 à 50km de pipeline pour alimenter des communes qui disposent déjà de leur propre ressource en eau ? ». Cette solution ne respecte pas la priorité d’usage (loi sur l’eau de 2006) et privatise partiellement, de fait, la ressource Vittelloise. Elle est pourtant largement soutenue par le préfet de département, qui promet, si elle n’est pas retenue, la mise en place d’obligations bien plus contraignantes en matière de prélèvements d’eau, ayant des répercussions sur les industriels mais aussi sur les particuliers.
Ce principe de transfert vers une autre nappe a été voté par la Commission Locale de l’Eau le 3 juillet dernier, sur la base de données tronquées. En effet, une étude a été réalisée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), montrant l’impact non négligeable des prélèvements envisagés sur cette nappe et les cours d’eau qui la drainent. Mais les services départementaux ont refusé de la communiquer aux membres de la Commission Locale de l’Eau et n’ont pas fait état de ses conclusions avant le vote.
Face à des pratiques intolérables, l’intérêt général doit primer
Pour France Nature Environnement, les tentatives de Nestlé Waters pour garder la main sur la ressource sont inacceptables. Après un courrier au préfet resté sans réponse, l’association Vosges Nature Environnement, membre de France Nature Environnement, a adressé un courrier au ministre François De Rugy en septembre pour demander le retrait des autorisations de prélèvement et de consommation d’eau accordées à Nestlé Waters dans la nappe concernée. L’entreprise doit au plus vite stopper cette surexploitation de la ressource en eau, pour assurer l’alimentation des populations locales, le fonctionnement des milieux aquatiques et la protection pérenne des nappes souterraines. Il s’agit de priorités légales qui ne sauraient passer après les bénéfices d’un grand groupe industriel.
De leur côté, les citoyens peuvent aussi agir : ils sont appelés à donner leur avis à l’occasion d’une consultation publique qui s’ouvrira ce 13 décembre, pour une durée de 2 mois. A l’issue de cette consultation et en fonction des avis recueillis, la Commission Locale de l’Eau décidera, ou non, de revenir sur sa décision d‘aller puiser dans une autre nappe pour approvisionner les populations.
« Loin de régler le problème, la solution proposée pose une fois de plus la question de l’accaparement d’un bien commun pour des intérêts privés. Dans le contexte actuel de changement climatique où l’accès à la ressource en eau est de plus en plus difficile, il est nécessaire d’assurer le partage et une utilisation responsable de la ressource, et de faire passer les intérêts économiques de certains groupes après l’intérêt général », conclutMichel Dubromel, président de France Nature Environnement.
Voir le premier communiqué : Nestlé Waters assèche les nappes de Vittel sur fond de conflit d’intérêt (mars 2018)
Communiqué de presse de France Nature Environnement