Valeurs Vertes N°160

La Terre, territoire ultime

Dans son essai « Hors Nature », sous titré « l’enceinte, une figure de la sédentarisation », l’architecte Frank Rambert nous rappelle que nous dominons la Terre sans partage et que son exploitation n’est aujourd’hui que la continuité de siècles d’exploitation de la nature et de la construction d’enceintes réelles, comme les fortifications, ou immatérielles, comme les frontières. Aujourd’hui, vue de l’espace, la Terre est notre enceinte, notre fortification, notre ultime territoire et nous n’y sommes plus à l’abri face à une humanité qui en consomme avidement les ressources et ne cesse de se multiplier. La prise de conscience existe, mais les volontés sont désordonnées et les remèdes souvent incohérents. René Dubos rappelait qu’il fallait agir local. Que chaque population, chaque territoire, pouvaient trouver des solutions adaptées. Que le « penser global » dessinait les grands contours d’une action environnementale réparatrice, mais que l’action mesurée, efficace, restait aux territoires. Les territoires mégapoles, ou petites villes rurales, sont le dernier maillon de la réalité. Il n’existe pas de remèdes miracles pour reconquérir un air pur, une eau potable, un cœur de ville, une agriculture paisible, une jeunesse rassurée qui n’abandonnera pas sa ville. Mais il existe des solutions locales que les maires peuvent transposer et le numérique peut les y aider. Les maires et leurs équipes n’ont jamais été aussi nécessaires pour fixer la vie dans leurs communes. Ils en connaissent les limites, l’enceinte, dirait notre architecte. Ils peuvent relever à leur échelle ces grands défis mondiaux que sont la qualité des sols, la biodiversité, l’alimentation, le mix énergétique. Peu à peu, tel un puzzle reconstitué, nous verrons surgir des lieux de vie agréables et solidaires, qui protègent leur patrimoine naturel, leurs sols, leurs citoyens, le bien commun. C’est ce qu’il faut souhaiter à notre planète, sinon ses propres limites étoufferont la vie, la nôtre, et il ne restera plus grand chose de notre civilisation dite si avancée.

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