La consigne est une fausse bonne idée selon les professionnels et les collectivités locales. Entretien avec Sébastien Petithuguenin, directeur général de Paprec.
Valeurs Vertes : Cette consigne risque-t-elle d’alourdir la facture ?
Sébastien Petithuguenin : Le gouvernement annonce une consigne pour le recyclage restreints aux bouteilles en PET et aux canettes en aluminium.
Nous tirons la sonnette d’alarme. Cette solution met à mal un système performant pour servir les intérêts de quelques industriels de la boisson. Elle cannibalise les flux triés les plus valorisables, issus de la poubelle jaune, pour les amener aux metteurs en marché.
S’il s’agit d’expérimenter une consigne pour la réutilisation des bouteilles en PET, qui n’a jamais été testée, pourquoi pas !
Cela permettrait d’évaluer ses coûts et ses impacts économiques et environnementaux (bilan CO2). Ce système demande aux Français d’accorder aux industriels une avance de trésorerie de plusieurs centaines de millions d’euros. Atteindre les objectifs européens : 10% d’emballages consignés non retournés à 0,15 € la consigne coûte 240 millions d’euros.
Les études Reloop, avancées par le gouvernement, démontrent que seuls les pays avec une consigne
à 0,25€ atteignent ces 90% dans 20% des cas (les 10% restant coûtent aux Français près de 500 millions d’euros).
Seuls 8 pays sur 40 atteignent ce taux.
De plus, elle se finance par les
« non-retours » : moins elle est performante, plus elle est rentable !
Si elle devait être appliquée elle devrait l’être par le public et non par le privé !
V.V. : Quelle menace représenterait-elle pour emploi ?
S.P. : Déjà des collectivités arrêtent ou remettent en question l’extension des consignes de tri car elle leur supprime des subventions de plusieurs centaines de millions d’euros d’investissements ! C’est une menace pour le portefeuille des Français. La quote-part des écocontributions des produits non consignés augmenterait, afin de garantir les coûts de collecte et de tri à 80%, augmentant les prix de vente de ces produits. La consigne voulue par Citeo, ferait perdre aux collectivités les recettes issues des ventes matières. Plusieurs centaines de millions d’euros non perçus se traduiraient par des hausses d’impôts locaux, entraînant des pertes d’emplois liés à la collecte et au tri.
V.V. : Risque-t-elle de décourager le geste citoyen du tri ?
S.P. : Le gouvernement s’est laissé embarquer un peu vite par cette idée de consigne.
Les Français y semblent favorables pensant qu’il s’agit d’une consigne solidaire, pour le réemploi ou la réutilisation des emballages.
Citeo et quelques membres du Collectif Boissons, tentent de déployer une consigne à titre privée, qui libère les producteurs du financement par leurs éco-contribution. Cheval de Troie de Citeo, cette consigne ferait payer aux Français ce nouveau système et récupérerait les recettes des ventes matières qui revenaient aux collectivités. Sinon, pourquoi proposer aux EPCI de revenir à un schéma fibreux/non-fibreux avec des points d’apports volontaires sur le papier ? Citeo, avec cette solution, met à mal ses 25 années d’efforts :
avec pour schéma de consigne les matériaux à haute valeur ajoutée comme le PET ou l’aluminium et un schéma en apport volontaire pour d’autres comme le verre (qui atteint 87% de collecte en PAV !) ou le papier à terme.
In fine les collectivités auraient
à leur charge des centres de tri, coûteux et surdimensionnés, pour trier des matériaux dont les filières de recyclage sont difficiles à lancer ne pourraient bénéficier que des matériaux issus de la poubelle jaune.
V.V. : Quelles solutions pour Paprec ?
S.P. : Notre solution s’apparente à une extension des consignes de tri++:
1. Simplifier ce qui doit être changé : la collecte séparée des biodéchets en 2023 avec un bac dédié ou des points d’apports volontaires selon l’habitat. Laisser les points d’apports volontaires pour le verre.
2. Rendre le tri simple, et rendre compliqué le fait de générer des ordures. Pour ces dernières, un bac « humide et sale » destiné à l’incinération, avec des mécanismes de tarification incitative et un bac « recyclable sec » destiné au centre de tri.
3. Mettre ce tri en place dans
le hors-foyer et dans l’urbain dense sous-équipé en outil de collecte. (Citeo estime à 99% les bouteilles collectées mais 42% le sont dans le mauvais bac).
Enfin, nous espérons du gouvernement un grand plan pour agir sur la pollution marine. Un schéma de consigne « littoral » ou « plages » couvrant les côtes
et bords de fleuve, via une application saisonnière pour lutter contre les incivilités des vacanciers.
Il serait utile de cibler les bouteilles et canettes, mais
aussi les films et l’ensemble des emballages. ■