Applaudissez-moi !

Le premier confinement n’a pas été une traversée lugubre pour tout le monde. Dans son appartement au cœur de Paris Philippe Zaouati a pris le temps d’écrire un roman court qui, sans être autobiographique, révèle certaines fragilités d’un monde où domine une finance trop sûre d’elle-même et qu’il connaît parfaitement.

Dirigeant la filiale d’un grand groupe spécialisé dans la finance environnementale, il manie la plume avec élégance. Avec ce troisième ouvrage, il nous entraîne dans une aventure inattendue où les spécialistes du développement durable reconnaîtront certaines réalités et quelques défenseurs d’une finance verte consentie du bout des lèvres.

Le héros, très à l’aise dans ce monde, a un côté Stendhalien : ses idées se veulent généreuses mais ses actes le sont moins. C’est sa rencontre et sa passion pour Chiara, jeune femme salariée d’une association environnementale et rencontré au Congrès de L’UICN à Honolulu en 2026, qui le fera réfléchir d’une autre manière. Il avoue avoir connu un grand moment de bonheur « pendant lequel nous avons cru modifier la marche du monde, éviter la catastrophe… 10 000 personnes qui bourdonnent entre les réunions privées, les ateliers, les plateaux télés, les projections de documentaires, les stands en tout genre… Nous dansions sur un volcan ! »

Cette rencontre remet en question sa vie de banquier sûr de lui. Il prend conscience de la fragilité de la planète, de la bonne volonté sincère et profonde de Chiara, mais de son inefficacité par manque de moyens financiers. Dans sa tête naît un projet fou. Je ne dévoilerai pas la fin du roman, inattendue, qui achève avec élégance sa construction sophistiquée. A vous de soulever les tapis, de repérer ce qui vous parle. On ne lit pas ce petit livre impunément, il remet les pendules à l’heure des grands prophètes qui se sont drapés dans la cause environnementale et en ont fait un job rémunérateur.

Ne vous attendez pas à trouver des noms, il n’y en a pas. Mais les phrases de Zaouti sont incisives,

évocatrices, et nous décrivent quelques archétypes d’aventuriers sans foi ni loi qui nous font prendre des vessies pour des lanternes en matière de défense de la nature ou d’achats équitables.

Dès les premières pages, le héros se retrouve à la brigade financière avec une accusation longue comme un jour sans pain. Il revit ces années brillantes où éclata la crise mondiale de 2008 : des milliards de dollars partis en fumée en une journée, la myopie des marchés qui s’aggrave.

La description des milieux financiers après le choc vaut le détour. Est-elle seulement le fruit de l’imagination de l’auteur ? Lorsqu’il pense, face à ces jeunes gens brillants pour qui il est un gourou de la finance que celle-ci est totalement irrationnelle : « Que pouvais-je leur dire, j’avais compris depuis longtemps que les marchés financiers sont aussi impénétrables que les voies du ciel ». Bien qu’il écume tous les matins les oracles des gourous du Wall Street Journal ou du Financial Times !

En proie à la solitude liée au Covid dans son grand appartement de Paris, Chiara partie en Suisse, il offre d’héberger gracieusement un soignant. C’est Angèle, une jeune infirmière, qui déboule dans sa vie. Elle travaille à la Salpétrière avec des horaires d’enfer sans jamais se plaindre. Elle le bouleverse. A son départ il écrit : « Je me suis infligé une sorte de coma volontaire. »

Ces deux femmes et son confinement vont l’amener à commettre le délit qui l’a conduit, dès les premières pages du roman, à la brigade financière.

Découvrez son « crime » et je suis sûre que vous applaudirez l’artiste !




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