Chroniques de la France des campagnes 1653-1788
C’est un choc cet ouvrage. Celui de la réalité du monde paysan en France aux 17 et 18ème siècles, bien loin des personnages à la Watteau et de ses paysages bien léchés. L’essor de l’alphabétisa- tion, la croissance de la population rurale, qui passe de 17 à 23 millions d’habitants, expliquent que les agriculteurs se mettent à écrire, même s’ils malmènent un peu l’orthographe, des témoi- gnages sur les dures conditions de leur vie quotidienne. En toile de fond, le climat conditionne vie et mort, provoquant des fa- mines ou au contraire amenant de belles moissons. On découvre des sécheresses implacables, des inondations meurtrières, des gelées, des émeutes, et des tremblements de terre. Les loups dé- vorent femmes, enfants et vieillards et la rage sévit de façon endé- mique. Les épidémies traversent les siècles sans pitié : la peste, la grippe, « des rhumes violents et dangereux surtout pour les vieil- lards qui en meurent ! » Ce sont des siècles où survivre est une prouesse et vivre, un don du ciel. L’auteur, Jean-Marc Moriceau, normalien agrégé d’histoire, a voulu rendre hommage à « ces vies minuscules » ou à « ces destins bien trempés », loin d’une « histoire sociale vue d’en haut », qui a gommé bien des drames et oublié ces existences de labeur. Les lettres évoquent souvent de nom- breuses révoltes, comme celle des Camisards avec à sa tête, Jean Cavalier, 21 ans. Chef de guerre redoutable, il tiendra en échec les troupes de Louis XIV. Quelques moments de grâce dans ces pages ouvrent des fenêtres sur le passé avec de petits objets qui dévoilent le luxe à la campagne dans les années 1773.
On y trouve : écritoires de chagrin à cornes de cuivre, tabatières, miroirs, cire rouge, peignes de corne, rubans de velours, crayons, etc. A lire pour ne pas oublier le passé et ses leçons amères, hom- mage à ces générations qui ont dû se battre chaque jour pour sur- vivre et nous léguer cette belle terre de France.
Jean-Marc Moriceau
Éditions Tallandier – 740 pages – 29,50€