Agriculture bio : structurer les filières

Lors des États Généraux de l’Alimentation, une place centrale dans les débats concernait le développement de l’agriculture biologique. Pour Florent Guhl, directeur de l’Agence Bio, l’effort pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement passe en particulier par la structuration des filières bio et la restauration collective.

Valeurs Vertes : Quel développement pour la filière ?
Florent Guhl :
Notre rôle est d’informer le grand public et les professionnels. Nous sommes là pour anticiper et aider au développement et à la structuration des filières bio. Jusqu’à présent les filières bio ont réussi à trouver un véritable équilibre entre les différents acteurs, que ce soient les producteurs, les transformateurs, les distributeurs et le maillon final : les consommateurs. Tous reconnaissent qu’ils ont les mêmes valeurs, humanistes et environnementales, cela a permis en les rapprochant de faire réussir une démarche commune qui doit continuer sur sa lancée à séduire de plus en plus de personnes, pour de nouvelles formes de consommation, d’exigences sanitaires et de qualité de vie.

Le 11 octobre 2017 à Rungis, lorsque le Président Macron a prononcé son discours sur l’agriculture et l’alimentation, l’enjeu était de tracer l’évolution de notre modèle agricole et alimentaire en s’appuyant sur les acteurs professionnels afin de construire des plans stratégiques pour des produits de qualité. La filière bio, au coeur de la qualité de l’alimentation, a toute sa place pour participer à ces plans stratégiques. Le Président Macron, évoquant la restauration collective, précisait qu’elle permettrait d’intégrer 50% de produits de qualité, dont 20% de bio dans les cantines d’ici 5 ans.
La visibilité de la filière, grâce à un logo et à un cahier des charges contrôlé, permet de bien suivre la traçabilité des produits. Dans les circuits de commercialisation, ce logo bio inspire confiance, 82 % des Français l’affirment dans le baromètre 2018 de l’Agence Bio. Nous devons veiller à toujours plus de transparence, toujours moins d’intermédiaires, et fournir au consommateur une information accessible, à travers les étiquettes et les prix. Il s’agit de manger moins mais mieux, et d’éviter le gaspillage.

V.V. : Quelles aides pour accélérer sa croissance ?
F.G. : L’introduction de plus de produits bio dans la restauration collective est désirée par les consommateurs. En particulier 77 % de nos concitoyens la souhaitent dans les hôpitaux et 89 % des parents dans les cantines scolaires.
Le baromètre annuel de l’Agence Bio souligne que déjà 75% des Français consomment bio au moins une fois par mois. Lors du Grenelle de l’environnement, on encourageait le bio grâce aux deniers publics. Les succès obtenus ne doivent pas servir de prétexte pour diminuer les aides et s’arrêter en si bon chemin.
Il s’agit de changer d’échelle, de combiner s’il le faut plusieurs modèles de financements : aides publiques, plateformes de crowdfunding, prêts bancaires, etc. De nombreux projets peuvent être financés de cette façon, et le citoyen est parfois remboursé en paniers de fruits et légumes. Mais il faut redoubler d’efforts et que les aides publiques permettent un relais efficace et pérenne pour accentuer le mouvement qui implique les agriculteurs, les producteurs et les consommateurs dans une relation de confiance. Il ne faut pas revenir en arrière ou hésiter dans les choix.

V.V. : L’agriculture bio est-elle créatrice d’emplois ?
F.G. : L’emploi dans les territoires y gagnera. Différentes études, dont l’une réalisée par Montpellier Sup Agro pour la viticulture, ont montré que le bio exige plus d’emplois et de salariés qualifiés : 1 hectare de vignes bio nécessite deux fois plus de main d’oeuvre avec des compétences adaptées à ce type de production.
Nous devons développer de nouveaux emplois agricoles et soutenir la reconversion des agriculteurs. C’est vital !
N’oublions pas le tourisme agricole en développement dans les territoires comme la Drôme ou le Gers. Retrouver le goût, la texture, la saveur d’une alimentation non standardisée attire de plus en plus d’amateurs. Le bio incite à la fête et parle des terroirs. Il crée le lien entre passé et présent, il a le goût du pays.

V.V. : Existe-t-il un problème d’accès à la terre ?
F.G. : Sans sol, pas de bio, pas d’agriculture non plus. Il faut réglementer le foncier agricole. De plus en plus de parcelles sont grignotées par des constructions. Dans quelques années plus de la moitié des agriculteurs sera en retraite. Le foncier agricole à l’hectare est coûteux et représente un obstacle pour ceux qui souhaiteraient démarrer une production agricole, mais ne seraient pas issus d’une famille d’agriculteurs déjà installée.
Depuis la loi d’avenir de 2014, les SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement) ont obligation de prioriser un projet bio lorsqu’une ferme bio est à reprendre.
Autre priorité : installer des agriculteurs bio à proximité des villes pour atteindre 20 % d’alimentation en bio locale, dans la restauration collective.
Il ne s’agit pas d’opposer différents modèles d’agricultures mais de ne pas casser l’impulsion très forte du bio chez les consommateurs.
C’est aussi l’occasion, pour certains agriculteurs, de renouer le lien entre la ville et la campagne et de choisir la qualité des terroirs. Plus ils produiront de bio plus il sera accessible à tous. ■




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