Stop à la pollution diffuse

Tout n’est pas parfait dans le monde des déchets. Malgré les efforts accomplis, piles, mégots, cotons-tiges, batteries, jouets munis de mini-piles, déchets de médicaments se retrouvent dans la nature, souvent par manque de prévention et d’information. L’augmentation de la TGAP, les syndromes Nimby ou Banana risquent d’accentuer ces phénomènes de pollution diffuse et invisible. Extraits de notre débat.  

 

Participants à l’e-forum du 20 mars 2018
Jean-François BIGOT, Directeur des Grands Projets de Séché Environnement
José CAMBOU, Administratrice de France Nature Environnement
Guillaume LACOUR, Directeur métier stockage et valorisation des déchets de l’agence Sud EODD Ingénieurs Conseils
Vincent Regnouf, Président de Enotiko  

 Découvrez le dialogue complet sur notre espace forum : //valeursvertes.com/forum/topic/stop-a-la-pollution-diffuse/ 

 

NE PAS ALLER AU PLUS FACILE

 

Un changement inévitable
Vincent REGNOUF
On ne peut que rester perplexe devant la volonté des pouvoirs publics, européens et nationaux, de pousser au maximum les performances environnementales de déchets déjà bien pris en charge alors que d’autres ne sont pas traités et source de pollution diffuse. S’attaquer au plus facile est compréhensible mais ne correspond pas à une politique environnementale digne de ce nom.
La limitation, plus que l’arrêt, du marché chinois (qui a rehaussé ses exigences de qualité dans ses importations) est également une réelle opportunité pour « faire le ménage » dans la gestion de nos déchets. Notamment la prise en charge de déchets non traités car non traitables en France, ceux-là mêmes qui risquent de venir de la pollution diffuse car plus exportés.
Les capacités en France de traitement et de recyclage étant notoirement insuffisantes, il est évident que la Chine sera, partiellement, remplacée par d’autres pays capables d’absorber, à bas coût, des déchets dont d’autres ne voudront pas

Des solutions en aval…et en amont
José CAMBOU

Utiliser la route des pays de l’Est ne répond pas à une gestion citoyenne et équitable des déchets. Il est important que les filières s’organisent en tenant compte de la fermeture du marché chinois.
Il n’est pas envisageable que cela débouche sur la dispersion de déchets dans les milieux naturels. Il est aussi important de rechercher des solutions de traitement en aval, au sein de nos territoires français, et ne pas toujours penser à transférer les déchets vers des pays dont la population et les milieux sont moins protégés par leur réglementation.
Une meilleure prise en compte de la préoccupation du traitement aval avec l’ensemble des acteurs d’une filière devrait aboutir à terme (mais pas aux calendes grecques pour autant !) à une évolution de la conception de certains produits. C’est cela la meilleure prévention.

 

FINI LES ANCIENNES DÉCHARGES

 

Des sites de plus en plus vertueux
Guillaume LACOUR

Les ISD sont aujourd’hui de véritables industries réglementées et surveillées. L’arrêté ministériel du 15/02/2016 fixe clairement les règles d’autorisation de construction, d’exploitation et de surveillance. Il n’est plus question de parler des décharges d’antan, nauséabondes et disgracieuses. La technologie bioréacteur permet de faire fonctionner ces sites de la manière la plus vertueuse possible.

Priorité à la prévention
Guillaume LACOUR

La priorité doit être donnée à la prévention et à la collecte des déchets, en travaillant massivement sur le changement de comportements. Il faut réfléchir à de nouvelles solutions incitatives et non plus punitives : consigne du verre 2.0 type Cliiink, tarification incitative à généraliser, mise en place de « nudges » pour modifier positivement les comportements, etc.
En parallèle, les centres de tri devront faire leur révolution : nouvelles chaines de tri, notamment pour les plastiques, adaptation des capacités aux augmentations attendues des flux.

Le principe de proximité sauf pour les déchets très spécifiques
José CAMBOU
Je reste attachée à considérer que le déchet n’est pas un produit comme un autre. Il ne devrait pas se balader hors de nos frontières sans contrôle sous prétexte que « l’Europe n’a pas de frontière ». Il faut « remettre au goût du jour » le principe de proximité, responsabiliser davantage chaque citoyen, et pousser au développement de solutions et d’activités portées par des acteurs économiques locaux. En matière d’économie circulaire c’est très important.
Le principe de proximité doit s’appliquer intelligemment. Vous ne pouvez pas demander à un site de traitement de proximité par exemple de traiter un déchet industriel très spécifique. C’est un problème évident de technicité et de taille de gisement. Mais pour la très grande majorité des déchets il peut s’appliquer.

Transformer sur le territoire
Vincent REGNOUF

Que le déchet ne se balade pas en dehors des frontières sans contrôle, tout le monde est d’accord. Mais le sujet, matérialisé juridiquement par la sortie du statut de déchet, est de considérer que le déchet n’en est plus un à partir d’un certain niveau de transformation et de capacité à être réemployé/réutilisé/ recyclé/valorisé.
C’est prioritairement sur notre territoire que ces premières transformations devraient être réalisées afin de capter une partie de la valeur avant export.

 

LA TGAP DOIT ÊTRE AFFECTÉE AU DÉCHET

 

Une politique raisonnée et efficace
Guillaume LACOUR

La TGAP est utile si les recettes qu’elle génère (plusieurs centaines de millions d’euros chaque année) sont affectées en exclusivité aux politiques de prévention et de collecte des déchets, et non diluées dans le budget général de l’État. Ces ressources financières sont d’autant plus indispensables que l’atteinte des objectifs de la LTECV d’ici à 2025 nécessite des moyens substantiels. Taxer toujours plus uniquement pour contraindre et pousser à la fermeture anticipée de sites ne saurait être une politique raisonnée et efficace sur le long terme, si en parallèle des solutions de substitution ne sont pas proposées aux citoyens.

Mise en oeuvre 4 à 5 ans
Jean-François BIGOT

La mise en oeuvre de solutions alternatives pour développer l’économie circulaire est possible. Toutefois, la mise en service d’équipements dédiés nécessite 4 à 5 ans, délai d’autorisation compris. Une hausse brutale de la TGAP conduira à des détournements non appropriés sources de pollutions diffuses ou à de l’exportation.
Je fais référence aux conclusions de l’étude de l’ADEME sur la mise en oeuvre des TGAP en Europe début 2017. Le renforcement des ressources allouées aux contrôles des filières semble souhaitable.
L’évolution de la réglementation vers des standards plus stricts de protection des hommes et de l’environnement doit perdurer et ne pas être remise en cause. Les difficultés rencontrées par le durcissement de la réglementation proviennent souvent de la mise en place de filières alternatives européennes, voire mondiales, ne répondant pas aux standards français. L’Etat doit donner les moyens à la DGPR de contrôler les filières étrangères et ne pas accepter des transferts de déchets vers des filières de pseudo-valorisation, elles-mêmes interdites en France.

Attention aux substances dangereuses
Jean-François BIGOT

La réglementation doit accompagner le développement de l’économie circulaire en évitant la réintroduction dans le cycle de fabrication de substances contaminantes ou dangereuses. A titre d’exemple, les plastiques contenants des adjuvants dangereux pour l’homme ou l’environnement doivent être identifiés, isolés et traités spécifiquement. L’exemple récent de l’arrêt de la réincorporation de verre au plomb dans la fabrication de blocs béton en Hollande montre la voie à suivre.
La fermeture du marché chinois ne doit pas aboutir à la réincorporation de MPS à risques dans les produits de consommation.

Attention aux filières déviantes
Jean-François BIGOT

Le renchérissement du coût de traitement des déchets du BTP augmente le risque de développement de filières déviantes, notamment du fait d’opérations d’acteurs sous-traitant étrangers n’étant pas confrontés habituellement à des réglementations strictes. Le contrôle de l’Etat doit s’exercer davantage.
La commande publique doit favoriser l’utilisation de matériaux recyclés pour accompagner le développement de l’économie circulaire.

 

LA LTECV : DES OBJECTIFS AMBITIEUX

…mais risqués
Guillaume LACOUR

La gestion, dorénavant régionale, de la gestion des déchets et les objectifs LTECV 2025 de réduction de 50% de la part stockée vont induire des réductions de capacités des sites existants, des fermetures et des refus de nouvelles autorisations.
On parle de plus de 10 millions de tonnes annuelles d’ici 7 ans à ne plus mettre en stockage ! Doit-on les faire « disparaître » en espérant une amélioration de la prévention et de la collecte, ou les détourner vers d’autres filières, mais lesquelles ?
La réflexion à l’échelle régionale du maillage des sites ne doit pas faire oublier le principe de proximité qui devrait prévaloir pour éviter des augmentations de trafic de poids lourds. La tentation du vagabondage de ces déchets est élevée. Les exemples anglais et italiens illustrent ce risque tant pour des raisons économiques que techniques.

La solution des filières CSR
Jean-François BIGOT

Le développement des filières CSR en complément de la production de MPS est une nécessité pour répondre à certains des objectifs de la LTECV. Toutefois, le modèle économique est encore incertain compte tenu du prix des énergies fossiles.

 

LE SOL : GRAND OUBLIÉ

Une législation pour le sol
José CAMBOU

Le sol reste le grand oublié en France et en Europe et pas seulement dans le domaine des déchets. Il y a urgence à concevoir une législation spécifique sur le sol. Il existe des législations sur l’eau et l’air depuis des dizaines d’années et sur le sol, troisième élément fondamental de la vie, rien ! Il est important de se souvenir que la France a été l’un des acteurs du blocage du projet de directive européenne.

Un projet sur le site AZF de Toulouse
José CAMBOU

Les friches industrielles doivent disparaitre. Les sols doivent être traités et une réutilisation des friches recherchées, en fonction de la réalité de la pollution historique et de la situation. A Toulouse, le projet d’implantation d’une importante installation photovoltaïque sur le site d’AZF semble une réutilisation intelligente et adaptée.

La biodiversité aime les friches
Guillaume LACOUR

J’adhère totalement à ce point de vue de réhabiliter une friche. Attention à la prise en compte de la biodiversité dans ces friches qui est souvent oubliée par les aménageurs, alors que les retours d’expérience montrent que ces terrains sont souvent riches d’espèces protégées !
Le fait de laisser en friche un terrain pendant des années permet à certaines espèces de se développer « tranquillement », parfois sur des terrains peu propices (qualité des sols pauvres, voire pollution qui peuvent convenir à certaines espèces). Il faut que les aménageurs intègrent le fait, au départ de leur projet, que la biodiversité d’une friche peut être un frein rédhibitoire. Un diagnostic écologique s’avère indispensable. ■

 

 




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