La péninsule aux 24 saisons

INABA Mayumi
Traduit du japonais par Elizabeth Suetsugu
Éditions Philippe Picquier
240 p. – 19 €

Qui imaginerait derrière la couverture de ce petit livre, où plantes et fleurs composent une planche naturaliste, l’aventure intimiste d’un écrivain qui, face à la mer, au coeur de la nature, retrouve l’essentiel d’une vie, la sienne.

Une sorte d’envoûtement surgit à la lecture des premières lignes. Inaba Mayumi, par petites touches, se raconte sa vie à travers les paysages qui s’inventent sous ses yeux, mutation presque invisible mais sans fin. Dans une presqu’île du Japon, la citadine découvre les 24 saisons qui s’égrènent à travers des détails. Elle s’est fait construire une petite maison, en haut d’une falaise, d’où part un chemin vers la forêt. Elle se régénère face à la mer à travers ce spectacle à peine dessiné, brouillard un jour, soleil un autre jour, esquisses d’un moment.

Par touches infimes, elle dépeint ces changements imperceptibles qui accompagnent sa mutation personnelle. Elle a quitté Tokyo où elle a laissé un peu d’elle même, un homme aimé mais pas libre. Cette maison, c’est sa liberté reconquise peu à peu avec l’aide de la nature et de ses voisins chez qui elle va chercher un pot de miel et écouter des histoires un peu tristes. Son chat qu’elle a amené de Tokyo a pris possession des lieux.

Elle jardine et décrit, dans son carnet des haïkus, les 24 saisons, les travaux qu’elle doit accomplir : planter les fleurs, tailler un buisson. Et admirer le temps qui change les couleurs de la vie, tel un magicien. Voir les fleurs s’épanouir, puis tomber. Derrière sa maison, la forêt regorge de secrets. Un jour, elle y découvre avec une voisine le monde coloré des champignons, un autre, celui des vipères furtives se coulant dans les interstices des rochers. Elle attend l’été et les lucioles. Elle se souvient et raconte sa vie comme elle dépeint le paysage, par petites touches. Etrange sentiment. Chaque mot vibre et vous entraîne avec elle, spectateur de sa renaissance, et vous ressentez la nostalgie qui l’étreint face à ses souvenirs.

Le bonheur n’est qu’un instant passager. Mais ce refuge étrange la protège, la soigne, comme si les éléments lui redonnaient l’énergie de finir le chemin. Il la soutiendra lors de son retour à Tokyo. Inaba Mayumi est née en 1950 et décédée en 2014. Son ouvrage a été couronné en 2011 par le grand prix Tanizaki.

Ce livre est une célébration de la vie. Accompagnez ce grand écrivain dans cette péninsule où lumières et ombres composent un paysage auquel vous n’échapperez pas. Les mots y sont choisis, forts comme des coups, tendres comme des caresses. ■




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