Les tourbières, entre biodiversité et effet de serre

Les tourbières sont des zones humides très riches en matière organique d’origine végétale, accumulée par couches depuis des milliers d’années. Cet écosystème présente une curieuse ambivalence, à la fois puits de carbone et puissant émetteur de méthane un gaz à effet de serre au potentiel de réchauffement 28 fois plus élevé que le CO2). Comment préserver ces écosystèmes menacés de façon à éviter le rejet de milliers de tonnes de méthane (CH4) dans l’atmosphère ?

La tourbe constituant les tourbières est une accumulation progressive de matière organique qui s’entasse au cours du temps sans se décomposer. Elle se développe dans des zones souvent gorgées d’eau et au climat humide, deux facteurs défavorables à la décomposition de la matière organique.

Les tourbières ne représentent que 3% des sols émergés. Le Royaume- Uni compte le plus grand nombre de tourbières, et le Canada la plus grande surface, avec 130 000 km2.

Occupant peu d’espace sur la planète, les tourbières contiennent les plus fortes densités de carbone avec 20% des quantités totales de carbone organique stocké dans les sols (environ 350 Picogrammes sur 1570 Pg). C’est l’un des puits de carbone les plus importants sur la surface terrestre émergée.
Elles produisent par ailleurs des émissions de méthane qui représentent 20 à 40% des émissions totales, et 70 à 90% des émissions naturelles.
Le potentiel de réchauffement de gaz à effet de serre d’un côté, et la capacité de stockage de l’autre, ont attiré l’attention des secteurs publics et privés sur cet écosystème.

En effet, le service de stockage de carbone des tourbières se dégrade depuis plusieurs décennies dans différentes régions du monde.

Les pratiques de brûlis, la mise en place de systèmes de drainage ou l’exploitation des sols dans ces zones humides sont les principales causes de leurs dégradations.
En France, le service de stockage de carbone des zones humides est ainsi passé de 150 Mt de carbone stockées en 1990 à 137 Mt en 2008. La dégradation actuelle des tourbières à l’échelle mondiale émet l’équivalent d’un dixième des émissions dues à l’utilisation des combustibles fossiles.
D’autre part, le drainage des tourbières accélère l’émission naturelle de méthane en provoquant l’apparition de fossés d’eau stagnante d’où le méthane est libéré.

Ces effets de l’activité humaine sur ces puits de CO2 et ces sources de méthane alarment la communauté internationale.

En 1971, la Convention Ramsar, ou « Convention relative aux zones humides d’importance internationale » a été adoptée pour une utilisation plus durable des tourbières à l’international.

Ce traité a été signé, bien en amont des premières réunions internationales pour le climat, par un petit groupe de 18 pays directement concernés par l’altération de cet écosystème.

La France s’est impliquée dès les débuts de la convention, qui est suivie par le ministère chargé de l’Environnement et l’association Ramsar France.

Le label Ramsar, accordé aujourd’hui à 46 sites, permet de répertorier les zones humides protégées.

Le nombre de pays concernés a continué de croître, atteignant 119 pays signataires en 2000, jusqu’à 168 pays en 2019. L’Allemagne, le Canada ou le Costa Rica sont aujourd’hui particulièrement impliqués dans la restauration de tourbières. D’autres programmes de coopération internationale voient le jour, comme la Global Peatland Iniative, fondée lors de la COP23 à Marrakech en 2016. Celle-ci est composée de 13 pays fondateurs, qui s’associent en partenariats pour intervenir dans quatre pays où les tourbières représentent un écosystème majeur : la République du Congo, la République Démocratique du Congo, l’Indonésie et le Pérou. Désormais, 32 organisations internationales, sont chargées de diffuser auprès des populations locales, des informations sur le fonctionnement des tourbières, de créer un réseau d’aires culturelles
et écologiques et de promouvoir la protection des zones humides plutôt que les activités de drainage ou d’exploitation.

Toutefois, le secteur privé progresse davantage dans ses stratégies de restauration que les gouvernements, notamment en termes de savoirs techniques. Ces stratégies comportent généralement trois volets : la conservation des tourbières existantes, la réhumidification des tourbières dégradées pour réduire les émissions de méthane, et la réduction ou l’adaptation des activités de drainage afin d’éviter des émissions additionnelles de carbone. ■




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