« Marée verte » au Mexique

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Au Mexique, la collecte et le traitement des eaux usées restent problématiques. En découlent de graves problèmes écologiques, qui ont un coût économique pour la dépollution et la potabilisation de l’eau. Une nouvelle étude sur le barrage de Cointzio, qui alimente les 700 000 habitants de la capitale de l’Etat du Michoacán, illustre cette situation. L’équipe de recherche franco-mexicaine vient de montrer l’état critique d’« eutrophisation », c’est-à-dire de prolifération d’algues, des eaux du réservoir. Seule une réduction drastique de 90 % des rejets en amont permettrait d’endiguer le phénomène…

Bon à savoir L’eutrophisation est due à l’accumulation dans un milieu aquatique de nutriments, du fait de rejets d’origine anthropique : nitrates (engrais azotés essentiellement), phosphates (lessives par exemple) et matières organiques. Elle provoque la prolifération de phytoplancton, c’est-à-dire des microalgues et des cyanobactéries, dont nombre d’espèces sont toxiques. Elle entraîne également la réduction du taux d’oxygène des eaux, qui modifie leur potentiel d’oxydoréduction et favorise le relarguage de polluants fixés au fond de l’eau sur les sédiments.

Un problème écologique et économique

Après plusieurs années d’observation et de modélisation, des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires ont rendu leur diagnostic concernant l’état écologique du barrage de Cointzio, au Mexique. Ils soulignent l’état d’« eutrophisation » critique de ce réservoir, qui alimente en eau potable environ 700 000 habitants de la ville de Morelia, la capitale de l’état du Michoacán. Ce phénomène de prolifération de plancton végétal a couté 235 000 € aux pouvoirs publics en 2014, rien que pour extraire les algues accumulées en surface. Il pèse également sur les usines de potabilisation pour dépolluer ces eaux.

Aucun système de traitement des eaux en amont

Les chercheurs ont analysé trois critères, permettant de caractériser l’état d’eutrophisation du lac : le taux de chlorophylle a, la concentration en phosphore et la turbidité des eaux. Leurs prélèvements, effectués entre 2007 et 2009, révèlent pour tous trois des valeurs alarmantes, avec en particulier 70μg par litre de chlorophylle et 200μg par litre de phosphore. De plus, les chercheurs ont relevé un état d’« anoxie », c’est-à-dire d’absence totale d’oxygène, dans les eaux les plus profondes du lac durant six mois de l’année.
Ces résultats montrent que la dégradation de la qualité de l’eau est la conséquence directe d’un apport massif de nutriments (azote et phosphore) depuis le bassin versant en amont. Ce dernier est fortement anthropisé, avec plus de 40 000 habitants. Or, aucun système de collecte et de traitement d’eaux usées n’est mis en place.

Une lente restauration du milieu

Le changement climatique accroît l’eutrophisation des milieux aquatiques. Dans la région de Morelia, les prévisions annoncent une hausse des températures de l’air de 4,4 °C en moyenne pour la fin du siècle. Afin d’anticiper les effets de ce réchauffement et accompagner les décideurs dans leur choix de gestion, les chercheurs ont simulé l’évolution des concentrations algales et en oxygène dissous en fonction des différents scénarii climatiques et de réduction des apports de nutriments dans le réservoir. D’après les résultats de cette modélisation, seule une réduction drastique de 90% des rejets permettra de diminuer de manière significative la prolifération des algues, avec un effet positif sur les conditions d’oxygénation. Si de telles mesures étaient adoptées, il faudrait tout de même au moins cinq ans pour y parvenir, mettant en évidence la restauration très lente des milieux aquatiques fortement eutrophisés. En l’absence de politiques efficaces de gestion de l’eau, l’urbanisation rapide des pays émergents de la zone tropicale exacerbe la dégradation de la qualité des milieux aquatiques. Ces travaux apportent des informations originales qui aideront les décideurs à adopter des stratégies appropriées, bien au-delà de cette région du Mexique.




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